Le 9 mai, connu sous le nom de День Победы, marque la célébration de la fin de la Grande Guerre Patriotique, commencée à l’aube le 22 juin 1941 avec l’invasion de l’Union Soviétique par l’Allemagne nazie.
Je remercie l’Associsation Franco-Russe Perspectives pour leur initiative de mettre gratuitement en ligne des films russes, français et américainsen version originale sous-titrée ou doublée en français.
Le programme présente une large palette de films du cinéma soviétique, russe, français, américains : des très rares, tournés pendant la guerre, jusqu’aux longs métrages et documentaires contemporains.
Pourquoi en Russie la fin de la guerre est fêtée le 9 mai ?
Les Russes célèbrent la fin de la Grande Guerre Patriotique et de la Seconde Guerre mondiale en Europe le 9 mai en raison d’un décalage horaire avec les signatures de capitulation de l’Allemagne nazie. En 1945, l’acte de reddition a été signé à Reims le 7 mai, mais Staline a exigé une signature à Berlin, qui a eu lieu le 8 mai au soir, soit le 9 mai à 01h01 heure de Moscou. Cela explique pourquoi un même événement est commémoré à des dates différentes en Europe et en Russie.
Pourquoi День Победы reste-t-elle la fête la plus importante pour les Russes ?
Les statistiques de cette guerre – 27000000 de victimes, militaires et civiles – ne peuvent pas traduire toute la douleur, toute la souffrance, ni l’immense joie larmoyante du 9 mai 1945. Cette guerre a touché chaque famille, y compris la mienne.
Il y a trois ans, j’ai eu l’opportunité de me trouver à Saint-Pétersbourg, anciennement Léningrad, lors du Jour de la Victoire.
Comme tous les ans, ma famille se réunissait pour revivre le moment fort ensemble. La télévision restait allumée toute la journée : on regardait le défilé militaire, on chantait les chansons de guerre et surtout on se souvenait de ces années autour de la table.
Nina, ma maman, elle n’avait que 2 ans au début de la guerre, elle n’en gardait pas beaucoup de souvenirs. En revanche, pour son frère Volodia et sa cousine Galina, qui sont huit ans plus âgés, la mémoire ravivait un passé douloureux. Leurs mères étaient sœurs, ils vivaient dans le même village situé à 100 kilomètres à l’ouest de Léningrad.
– « Je me souviens l’été de 1941, c’était les vacances, – commença Galina. La guerre est arrivée très vite, nos pères sont partis au front. Au mois d’août, nous étions tous au potager à récolter les patates quand l’armée Allemande a envahi notre village. Les soldats et les officiers se sont installés dans les plus belles maisons, pas dans la nôtre heureusement. Puis, l’armée allemande a continué d’avancer vers Léningrad en laissant une centaine de soldats dans notre village. »
– « Je me souviens d’un camp pour nos soldats prisonniers de guerre, fait de baraques en bois près de la petite gare – continua Volodia. Ils étaient mal nourris et nous imploraient de leur donner à manger, mais nous n’en avions pas le droit, les nazies surveillaient. Nous vivions sans nouvelles de nos pères, sans école, restant la plupart du temps chez nous, avec peu de vivres, car tout avait été réquisitionné ».
En novembre 1943, la situation sur le front a évolué, l’armée allemande se retirait progressivement de Léningrad. En partant de notre village, ils ont emmené tous les habitants. Ma maman, sa mère et ses deux frères, ainsi que les trois tantes – Tonia avec sa fille Galina, Katia avec sa fille Choura, âgée de 16 ans, et Natacha avec un bébé de deux ans, sans oublier les grands-parents, ils ont tous été déportés en Lettonie.
Ils ont été répartis dans des familles et ont été contraints de travailler dans les champs, enfants inclus, en échange de nourriture et d’un abri Pendant mon enfance, j’ai entendu l’histoire de leur « vie » là-bas, racontée par la grand-tante Tonia. « Notre maître était gentil ; il était cordonnier et j’ai dû l’assister. C’est ainsi que j’ai appris le métier. Galina et moi vivions relativement bien comparées à mes sœurs et à mes parents. Ils ont été placés dans un hameau et devaient accomplir tous les travaux agricoles. Un jour, ils ont été arrêtés par les Allemands pour avoir fabriqué du pain en secret pour les résistants locaux. Nos parents et mes deux sœurs ont été torturés et ensuite exécutés sous les yeux de toute la famille. C’était terrifiant. J’ai adopté et élevé ma petite nièce avec Galina. » Tonia n’a jamais revu son mari, devenu un soldat inconnu. Elle n’a appris que plus tard qu’il était mort en 1944.
Libérés par l’Armée Rouge, les survivants sont revenus dans leur village natal. Les maisons étaient brûlées, et tout était à reconstruire. Il ne restait que des femmes et des enfants.
Cinq ans après la guerre,
Ma maman est à gauche
Toutes les photos avant guerre ont été perdues
Quant à mon papa, il a grandi sans son père, décédé des suites de blessures. Ma grand-mère s’est retrouvée toute seule à élever quatre fils. Pour aider la famille, mon père a dû arrêter l’école à l’âge de 14 ans et partir travailler. Il était brillant en maths mais il n’a pas pu poursuivre les études…
Éloignés des discours politiques et des statistiques officielles, nous étions unis dans une douleur partagée, ressentie par des milliers de familles, et nous chantions en hommage aux millions de victimes de cette guerre, y compris nos êtres chers :
Тёмная ночь. Только пули свистят по степи
Только ветер гудит в проводах
Тускло звёзды мерцают…